03 juin 2011

Les Portugais ont osé

La Global Comission on Drug Policy, composée d’anciens présidents – comme le Brésilien Cardoso – et de hauts responsables de l’ONU – Kofi Annam en fait partie – estime, dans un rapport publié cette semaine, que la lutte contre la drogue dans le monde est un échec. Du coup, elle préconise de mettre fin aux politiques de criminalisation si peu efficaces et d’oser des expérimentations sur le modèle des Pays-Bas et du Portugal.

Je trouve particulièrement opportune cette référence à la législation portugaise car, devant la frilosité opportuniste de la classe politique française – gauche comprise –, cela fait quelques années que je m’intéresse sur ce que l’on fait en la matière du côté de Lisbonne. Même si les médias préfèrent les volutes bleutées des coffee shops d’Amsterdam…

Une loi de 2001 a en effet décriminalisé au Portugal l’achat, la détention et l’usage de stupéfiants pour une consommation individuelle. Toutes les drogues sont concernées, ce qui évite les querelles picrocholines sur la dangerosité respective des drogues dures et des drogues douces. Il s’agit de mettre l’accent sur le fait que le problème n’est pas la substance en elle-même mais la relation à la substance. In fine, le drogué n’est plus un délinquant mais un malade. S’il est pris en possession d’une quantité compatible avec un statut d’usager, il sera dirigé vers une « commission de dissuasion ». En cas de récidive, il retourne devant la commission qui le déclarera « consommateur ludique » avec une amende et des TIG à la clé, ou « toxicomane », avec un programme de soins.

Les résultats ne se sont pas faits attendre : avec 11,7% de consommateurs de cannabis, le Portugal a l’un des taux les plus faibles d’Europe (30% en Grande-Bretagne), 1,9% seulement des Portugais prennent de la cocaïne contre 8,3% des Espagnols. Les 100 000 héroïnomanes d’avant la loi ne sont plus que 40 000. La proportion des 15-19 ans qui se droguent est passée de 10,8% à 8,6%. A la fin des années 90, la drogue était la première préoccupation de la population : elle se situe désormais à la treizième place.

Cette loi équilibrée et pragmatique ferait bien d’inspirer les candidats à la présidentielle de 2012. En effet, la législation française est intenable. Hyper répressive, elle est appliquée avec parcimonie et souvent dans l’arbitraire le plus total. Or, comme je le rappelle fréquemment à mes étudiants, la loi doit être appliquée… ou changée. Dans le cas contraire, on admet que la loi républicaine puisse être à géométrie variable.

Hélas ! Il y a tout lieu de penser que le black out sera encore de mise sur cet important sujet de société au nom de la sacro-sainte démagogie électorale qui règne en maître dans notre pays sur ce sujet. Entre autres…

9 commentaires:

Anonyme a dit…

j'attends de voir si cette info (des plus intéressantes)va être relayée par les médias diverses et variées ou si l'incroyable cascades des sujets concernants la sexualités des uns et des autres va continuer encore longtemps à monopoliser les esprits. Et pendant ce temps là...
Alice

Emmanuel a dit…

Pour le commerce de la drogue le problème est toujours le même, faut-il agir sur la demande ou sur l'offre ? Quand on pense qu'il suffirait que les gens arrêtent de consommer de la drogue pour que ce trafic disparaisse. Je plaisante et je me doute bien qu'en ce domaine les idées les plus simples ne sont pas forcément les meilleures. On n'entend guère nos hommes politiques sur ce sujet...

cecile a dit…

Bravo ! Notamment pour votre courage politique. Egalement pour le raisonnement : logique, évident.
J'ai d'autres idées pour soutenir votre démonstration, dont je souhaiterais vous faire part. Je serais heureuse de pouvoir vous parler.

cecile a dit…

Mieux, je vous propose de rédiger un article (pour étayer le vôtre de ces nouveaux éléments), mais je souhaiterais vous le remettre en main propre. Car il constitue tout de même un témoignage. Je vous remercie.

cecile a dit…

Mieux, je vous propose de rédiger un article (pour étayer le vôtre de ces nouveaux éléments), mais je souhaiterais vous le remettre en main propre. Car il constitue tout de même un témoignage. Je vous remercie.

Anonyme a dit…

Agir sur le consommateur sous quelque forme qui soit sans agir en parallèle sur le producteur me semble voué à l'échec.Donc pourquoi ne pas envisager sur les futures parcelles agricoles de l'OIN, des agriculteurs de drogues produisant en toute légalité et vendant leurs productions, par ex sur le marché de la libération, à des ménagères de moins 50 ans ou plus, les achetant avec leur mesclun ou leur fleurs de courgette pour leur consommation quotidienne en toute légalité.Enorme ? Pas si sûr......
L'objectif premier reste la disparition de ce marché parallèle si lucratif mais aussi si "meurtrier".
Alexandre

Antoine a dit…

Le débat mèrite d'exister mais je ne suis sincérement pas convaincu du résultat.
Faut-il rendre normal le danger ?
L'acool n'est-il pas un problème, notamment chez les jeunes bien que légal ? La sécurité routière s'améliorerait-elle s'il n'y avait plus de limitations de vitesses ?

Anonyme a dit…

voila un article interessant monsieur mottard qui m'apprend beaucoup de chose. merci.
mieux que sur le foot.

Anonyme a dit…

Le Parti social-démocrate (PSD, centre-droit) a remporté aujourd'hui les législatives au Portugal devant les socialistes au pouvoir, l'ensemble de la droite étant assurée d'une majorité absolue au parlement, selon des sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote.

Selon trois sondages réalisés pour les télévisions portugaises, le PSD a obtenu entre 37 et 42,5% des voix, devant le Parti socialiste du premier ministre démissionnaire José Socrates, qui recueille entre 24,8 et 30% des suffrages.

Le PSD de Pedro Passos Coelho, qui devrait succéder à José Socrates, obtiendrait entre 102 et 121 élus sur les 230 députés du parlement, la droite dans son ensemble recueillant entre 119 et 149 sièges, selon les projections des télévisions

Maintenant la droite va reprendre les choses en mains.

Richard