20 janvier 2007
Hrant Dink
Vendredi à Istambul, a été tué, de trois balles de revolver, le journaliste Hrant Dink, directeur de publication d’Agos, le principal hebdomadaire arménien de Turquie. Les coupables courent toujours, même si deux pistes sont avancées, celle des ultras nationalistes turcs et celle des barbouzes plus ou moins proches du pouvoir. Deux pistes en réalité convergentes.
Il se trouve qu’en juin 2003, j’ai côtoyé Hrant Dink pendant une semaine, au sein d’une délégation composée de Français, de Turcs et d’Arméniens, pour une visite du souvenir sur les terres actuellement kurdes de l’Arménie turque historique (Nous sommes tous des Arméniens de Van). De ces quelques journées passées avec lui, j’ai gardé l’image d’un compagnon de voyage agréable, plutôt sociable, mais qui jamais ne se départissait de cette rigueur intellectuelle propre à ceux qui défendent les causes difficiles, qui occupent des positions exposées et qui, en toute conscience, affrontent le sens de l’histoire et ses vents mauvais.
Hrant était Turc de nationalité et Arménien de culture. Il considérait cette double appartenance comme une chance lui permettant de jouer les go-between entre les descendants des bourreaux et ceux des victimes.
Je me souviens de son émotion lorsque, sous la "protection" de l’armée turque, nous avions foulé le sol d’Ani, lorsque nous avions navigué sur le lac de Van, lorsque nous avions cheminé en direction de l’Ararat.
Je me souviens de son charisme lorsque nous avons fait la connaissance de son équipe dans les locaux d’Agos à Istambul.
Je me souviens de sa tolérance et de son humanisme lorsqu’il évoquait avec des compatriotes turcs la question si délicate de la reconnaissance du génocide arménien.
A cinquante-trois ans, Hrank était loin d’avoir achevé sa mission. Il manquera aux soixante mille Arméniens de Turquie, il manquera à la Turquie, il manquera à la région tout entière.
Partisan résolu de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, j’ai toujours eu le sentiment que le processus serait long. Depuis vendredi, j’ai le sentiment qu’il risque de devenir interminable.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
7 commentaires:
C'est une triste nouvelle pour la paix et la liberté.
http://www.liberation.fr/actualite/monde/229950.FR.php
«Oguz Samast, 17 ans, interpellé dans la nui de samedi à dimanche a avoué dimanche matin être le meurtrier d journaliste Hrant Din»
«Le grand port de la mer Noire est depuis des années un des principaux fiefs de l'ultra-nationalisme turc qui recrute facilement des sicaires parmi les jeunes paumés d'une ville d'un million d'habitants en plein marasme»
«La crise des dernières années a encore accru les tensions et le nombre des crimes de sang. «Ils ont presque doublé en un an et sont le plus souvent le fait de jeune de 15 à 25 ans complètement perdus et prêts à tout» soulignait récemment Mehmet Sent le président du barreau. Les bandes mafieuses prospèrent.»
C'est beau un nationaliste: ça fait de grands discours sur l'amour de la patrie et la fidélité au drapeau, mais ça préfère les méthodes mafieuses d'assassinat et en plus ça envoie des gosses se salire les mains à sa place. Mitterand avait dit que le natiolisme "c'est la guerre"? On peut carrément dire que le nationalisme, c'est le meurtre.
La Turquie, un pays qui n'a rien à faire dans l'Europe.
Lorsque la peste envahie les cerveaux, elle les ronges pour aboutir à ce genre de résultat.
ANTONIN
Ça c'est de la réponse: 12 mots, lapidaires, définitifs, qui sonnent comme un décret impérial: c'est comme ça, c'est un ordre, la Turquie reste dehors, exécution.
Cela dit, ce message a le mérite de ne pas contenir la traditionnelle pluie "d'arguments" de mauvaise foi sur les "incompatibilité" culturelles, spirituelles, géographiques, voir génétiques entre les turcs et les autres européens.
A Laurent,
tu récuses une phrase lapidaire et anonyme pour le non à l'entrée de la Turquie...
puis tu dis que tous les arguments contre l'entrée de la Turquie sont de mauvaise foi...
ça me semble paradoxal.
AS
FX
Ce crime crapuleux est révélateur du profond malaise politico-démocratique qui turbule la Turquie depuis plusieurs années, atteignant ainsi, progressivement et depuis quelques temps, son apogée.
Cet acte monstrueux est un nouveau coup de fouet infligé à l'Histoire des hommes en générale et à la nation arménienne en particulier.
Le meurtrier présumé a servi de détente à une arme politiquement diffuse qui menace la stabilité des Etats ayant "vocation à devenir démocratique" (je pèse mes mots): l'influence éxtrêmiste, quelque soit sa nature, sa forme et son degrès d'expression, son "niveau d'attaque", ce fléau politique crée des ravages partout ou il prospère : on vient encore, malheureusement,d'en avoir la preuve.
Une adhérente attristée
Lalia
Enregistrer un commentaire